Après
avoir pris une semaine loin de New-York pour que Washburne puisse organiser les obsèques et l'enterrement de son ami Julius
Homer, que O'Connor puisse récupérer de sa malheureuse
expérience en allant rendre visite à sa famille pour se changer les
idées, ensemble ils règlent les détails pour leur voyage et
annoncer leur départ pour Londres à leurs alliés, ainsi ils
apprennent de Jonah Kensington, qui tient toujours à les
soutenir dans leur périple avec ses maigres finances, qu'il connaît
deux contacts d'Élias à Londres qui pourrait leur êtres
utiles, Mickey Mahoney le rédacteur du Scoop un
tabloïd hebdomadaire et l'inspecteur James Barrington de
Scotland Yard. Ces deux noms
en poche et l'aide promise par Erica Carlyle quelques
jours auparavant, les investigateurs, avec qui se comptent à présent
le journaliste Ichabod Crane
du Pillar-Report, se
sentent à nouveau gonflés à bloc pour continuer leur périlleuse
enquête.
En
route pour l'Angleterre!
Les
investigateurs s'embarquent le 27 Janvier 1925 à bord de l'Aquitania
de la compagnie britannique Cunard Line
pour un voyage de quatre jours en direction de Liverpool, avant de
prendre le train pour Londres. Washburne qui
a les moyens et en grand prince, offre le voyage en première classe
à ses compagnons, ainsi ils profiteront du confort luxueux qu'offre
le paquebot et un vrai repos durant la traversée, même si chacun
d'eux envisagent de tromper leur ennui dans les livres étranges
qu'ils ont emmenés avec eux, ce voyage sera t-il alors de tout repos
??
Ho!
Mon Bateau!! ho ho ho!!!
Les
premiers jour de la traversée les investigateurs profitent des
activités et des services de la compagnie: parties de croquet sur le
pont balayé par les vents, parties de cartes au chaud dans le grand
salon, spectacle de magie et de musique en soirée, l'éblouissante
restauration, etc... O'Connor
découvre les trésors du bar loin des restriction de la prohibition,
Crane flâne sur le
pont emmitouflé dans son manteau essayant de profiter d'un soleil
timide et Washburne
fait connaissance avec les gens du monde autour de la table du
capitaine. Mais au fil des jours la lecture des livres va ternir un
peu ce beau tableau, les pages jaunies à l'odeur âcre révèlent
des horreurs abominables et atroces à la psyché des investigateurs
qui finiront par avoir raison de leur optimisme et les tenir
fébrilement enfermés dans leur cabines. Un soir, Washburne
après avoir réussi à s'extirper de sa lecture morbide, décide de
réunir tous le monde pour un apéritif libérateur en prenant l'air
sur le pont. Chaudement vêtus assis autour d'une table basse, il
discutent mollement les doigts crispés à leurs verres comme s'il
s'agissait d'une bouée de sauvetage, la discussion dérive très
vite autour de ce que chacun a étudié dans sa cabine et bientôt, à
tour de rôle, chacun expose sa désagréable expérience littéraire.
Crane
commence alors en racontant ce qu'il est en train de lire, "Le
Peuple du Monolithe"
un recueil de poèmes d’un poète américain du nom de Justin
Geoffrey.
À travers ses poèmes, Geoffrey
y dépeint une série de voyage en des terres indéterminées, où il
évoque une nature sauvage que le journaliste classe quelque part
entre le Gothique et le Romantisme, pourtant Crane
a ressentit à sa lecture qu'il émane entre ces vers une sensation
de malaise qu'il a du mal à définir. Ce
retour à la nature n’est pas une régénération spirituelle chez
Justin Geoffrey,
poursuit Crane
en fixant l'océan au-de là de la balustrade, mais au contraire un
retour vers un état dégénéré où la conscience se dilue et finit
par être anéantie face au caractère vertigineux et insondable de
l’Immuable et de l’Éternel. Les paysages de Geoffrey
suggèrent une morne stérilité, une immobilité morbide dissimulant
d’antiques secrets inavouables, et laissent entrevoir en filigrane
une vision nihiliste d’un cosmos tout entier voué à l’entropie
et dénué de grâce divine... Pour terminer son étrange raisonnement
Crane,
toujours le regard perdu dans les vagues noires, cite presque instinctivement quelques vers qu'il a retenu:
«
Des êtres des temps anciens guettent encore, il paraît,
Dans
le vide et les coins oubliés de ce monde,
Et
toujours et encore des portails restent ouverts certaines nuits
La
couvée des Enfers.»
Un
silence glacé s'installe, le pont est presque désert,
O'Connor semble
nerveux
et gigote sur son fauteuil en avalant d'un trait son verre de scotch
avant de copieusement se resservir.
Il
s'éclaircit la voix, tousse et raconte ce que lui a lu.
Ce
manuscrit est le journal de Montgomery Crompton, un artiste
anglais d'après ce qu'a comprit le détective. Le journal décrit
ses pérégrinations en Égypte en 1805 alors
qu'il est à la recherche de l'inspiration mais surtout
oublier son expérience à la guerre qui semble l'avoir traumatisé.
Passablement opiomane et dérangé, il s’épanche en décrivant
dans un style grandiloquent ses nuits de débauche, ses errances au
pied des antiques pyramides ou dans les dédales de la vieille ville
du Caire. Crompton s’abreuve des légendes d’antan et est
frappé par une figure antique le Pharaon Noir, un mystérieux
personnage au vaste savoir occulte – O'Connor sort un papier
chiffonné de sa veste où il a noté cette information – venu de
l’antique Irem, la Cité des Piliers, perdue dans les
sables du désert. O'Connor remplit à nouveau son verre et
poursuit en s'épongeant le front. De là il explore fiévreusement
les ruines de l’Égypte antique, étudiant les fresques
hiéroglyphiques et les visages hiératiques des souverains de jadis
à la recherche de signes. Il entend des rumeurs évoquant
l’existence d’une société secrète initiatique, la Confrérie
du Pharaon Noir, ayant pour symbole une ankh inversée et
perpétuant les enseignements mystiques de l’énigmatique figure en
œuvrant à son retour. S’abîmant dans les rêveries du haschisch,
Crompton finit par se persuader d’être la réincarnation du
Pharaon Noir, dévolu à un destin divin. Il s’épuise à en
chercher la trace et devient de plus en plus incohérent, à mesure
qu’il se consume dans sa quête, sombrant peu à peu dans la folie.
Au
final, en déduit O'Connor, il devient très difficile de démêler
fantasmes et réalité dans le journal, Crompton
étant en proie à un délire permanent, ne sachant plus lui-même si
les meurtres qu’il se voit accomplir, plantant son gourdin hérissé
d’une pointe dans le cœur de victimes hurlantes, les cryptes
étranges à la ténébreuse beauté et les gardiens inhumains devant
lesquels il se prosterne sont réels ou seulement les échos des
songes ténébreux qui ne cessent de le hanter. Le détective dit que
le journal est inachevé, que Montgomery
Crompton
perd définitivement la raison dans ses divagations messianiques,
pour terminer son récit en estimant devoir désormais aller répandre
la parole du Pharaon
Noir en
Angleterre…
O'connor
se
sent vidé, presque en transe après cet exposé qu'il n'a pas aimé
raconter, des sueurs froides le font frémir, tandis que Crane
le regarde d'un air sombre.
Washburne
enchaîne alors et raconte à son tour ce qu'il étudie, Les
Sectes Secrètes d'Afrique
qu'ils ont découverts dans la boutique Ju-Ju
à Harlem, avec une pointe de désarroi en jetant des coups d’œil
à O'Connor,
il explique que c'est une monographie d'un anthropologue et
explorateur britannique du nom de Nigel
Blackwel. Il y décrit ses voyages, en Afrique Noire entre
1903 à 1915 et y détaille diverses religions, croyances et coutumes
folkloriques avant d’aborder des cultes obscurs du Continent Noir.
De là, explique Washburne, Blackwell spécule sur
l’origine possible de ces nombreuses sectes atypiques, certaines
apparemment très anciennes, dont bon nombre pourraient être nées
en Afrique du Nord, notamment en Égypte. Au fil de ses sinistres
pages, continue t-il, de nombreuses sectes y sont décrites avec leur
histoire sordide et leurs pratiques étranges, le tout abondamment
illustré de nombreuses gravures ignobles d’objets rituels, de
pratiques répugnantes telles que des auto-mutilations associées à
de l’auto-cannibalisme, des sacrifices d'animaux et d'humains et
même de l'anthropophagie rituelle et pratiques nécrophiles. Washburne
souligne en dévisageant
gravement ses compagnons, que l'anthropologue fait aussi
mention d’une secte sanguinaire, le Culte de la Langue
Sanglante, dont l’épicentre serait un lieu nommé Montagne
du Vent Noir, dans l’intérieur du Kenya, et qui vénérerait
une entité nommée le Hurleur dans les Ténèbres.
Celui-ci est représenté avec une sorte de tentacule sanguinolent
hideux en guise de tête, son souffle est le Vent Noir
apportant sécheresse et épidémies, il envoit les ténèbres ailées
semer la mort dans les tribus ennemies de ses adorateurs. Ce culte
comporte des aspects messianiques et eschatologiques, annonçant que
leur leur dieu s’incarnerait un jour prochain dans la chair,
annonçant ainsi la Fin des Temps.
O'Connor
sue maintenant à grosses
gouttes alors qu'il sent son cœur s'emballer, la discussion prend
des tournures qui ne lui plaît plus et il a envie de retourner dans
sa cabine, un vent de panique s'empare de lui, il se lève subitement
et une bile acide lui remonte dans la gorge, il étouffe et tombe à
la renverse pendant que ses compagnons se lèvent surpris par cette
réaction et tentent de le retenir. La soirée se termine lorsque
O'Connor dort dans sa
cabine après qu'un docteur fut appelé, Washburne
et Crane secoués,
regagnent
aussi leurs appartements une fois le calme revenu.
Capitaine
nous avons un problème...
Deux
jours après ce petit incident et qu'il aient appris que leur voyage
prendraient du retard dû à la mauvaise météo qui s'annonce pour
les prochains jours, les investigateurs n'ont plus vraiment goût aux
festivités du bord et passent le plus clair de leur temps dans leur
cabine.
Un
soir Washburne, alors qu'il est penché une nouvelle fois sur des passages un
peu cryptique de Sectes
Secrètes d'Afrique, sa
concentration est distraite par un bruit dans son dos, il se retourne
après avoir délicatement refermé son livre et aperçoit la porte
de sa cabine entre-ouverte, il se fige sur sa chaise un instant et se
dit intérieurement que son colt 45. est rangé au fond de sa malle
dans la penderie, avec précaution il se lève et se dirige vers la
porte prêt a toutes éventualités, il ouvre la porte vigilant et
jette un œil dans le couloir, personne. Il entend alors comme un
sifflement dans son dos, Washburne
se retourne vivement et retire la couverture de son lit après avoir
aperçut une forme sombre se glisser dessous, un serpent!! un serpent
noir et luisant, avec une tête rouge dressée les crocs en avant,
Washburne
fait un bond en arrière au moment où le reptile crache
agressivement dans sa direction, ne sachant quoi trop faire devant
cette menace sans doute venimeuse, il bat en retraite hors de la
cabine et appelle au secours, et en un rien de temps rameute des
marins armés de gourdins et d'un fusil pour tenter de se débarrasser
du serpent couleur ébène et sang – entre-temps le vacarme
provoque un petit rassemblement qui oblige le capitaine à intervenir
– il leur faut une bonne vingtaine de minutes pour coincer le
serpent, qui sera finalement abattu à coups de crosses rageuses par
l'un des marins.
Pendant
ce temps dans le calme relatif de la cabine de O'Connor,
enfermé là depuis son coup de stress de l'autre soir, un cauchemar
effroyable le fait sortir péniblement de son sommeil, reprenant
difficilement ses esprits, son bras heurte avec douleur les cadavres
de bouteilles posés avec négligence sur la table de nuit, en tombant
elles heurtent d'un son étouffé la moquette de la chambre, O'Connor
entend alors comme des voix lointaines et des bruits de pas
précipités, cela provient apparemment du couloir mais il discerne à
peine dans la pénombre, l'espace d'un instant il imagine qu'ils sont
peut-être en train de couler mais cette pensée est rapidement
chassée de son esprit alcoolisé quand il aperçoit une silhouette
menaçante dans les ombres de sa cabine, qui aussitôt se jette sur
lui en brandissant une monstrueuse lame sombre. Son agresseur est un
homme noir relativement jeune, vêtu d'un uniforme de garçon de
cabine, son regard fou et son air enragé déstabilise O'Connor
qui tente de se tenir le plus loin possible du garçon enragé armé
de son terrible poignard, une lutte à mort s'engage entre le jeune
noir et le détective. Au même moment Crane
qui revient de la cabine de Washburne
où un serpent a été découvert, frappe inquiet à la cabine du
détective et entend les bruits de lutte à l'intérieur, en ouvrant
la porte les deux protagonistes jaillissent de la cabine et
s'écrasent violemment contre la paroi opposée du couloir toujours
en train de lutter en poussant cris et jurons, Crane
ne sachant quoi trop faire commence à hurler à l'aide en courant
dans tous les sens. Washburne
est en pleine discussion avec le capitaine lorsqu'il entend les
appels au secours de Crane,
il se précipite dans le couloir et aperçoit plus loin la lutte
entre O'Connor
et un inconnu armé, des passagers regardent interloqués la scène
sans réagir, le sang ne fait qu'un tour dans les veines de Washburne
qui se saisit d'une hache d'incendie après avoir brisé la vitre de
protection, puis se précipitent vers son compagnon en détresse,
bousculant les curieux à moitié réveillés qui se trouvent sur
son chemin, puis d'un seul geste sans hésiter plante sa hache dans
les côtes du jeune noir le stoppant net dans son élan, un flot de
sang gicle sur Washburne
et O'Connor,
un hurlement à briser les tympans déchire le bref silence de
stupeur et l'agresseur tombe à la renverse contre O'Connor,
les témoins de la scène paniquent et se mettent à crier à leur
tour.
Cette
altercation sanglante donneront aux investigateurs du fil à tordre
en explications compliqués avec le capitaine qui ne semble pas
comprendre les tenants et aboutissants de cette histoire, il les
prévient seulement qu'il est obligé de contacter les autorités
britanniques par radio de ce qu'il s'est passé et qu'ils devront
s'attendre à être interrogés par la police à leur arrivée. Le
reste du voyage se passe sans incidents, malgré un retard conséquent
de trois jours dû aux intempéries, pour le capitaine, qui a mené
son enquête il n'a rien découvert à bord sur l'identité de
l'agresseur, sans doute est-il monté clandestinement à bord
explique t-il aux investigateurs, ses hommes ont juste découvert un
panier en osier abandonné qu'il aurait utilisé pour transporter le
serpent – un mamba noir selon un passager zoologiste – qui a été
glissé dans la chambre de Washburne
et
ainsi que son arme que Washburne
et O'Connor
reconnaissent comme étant un Pranga,
la même arme qui a tué Élias
à
New-York.
Le
reste du voyage les investigateurs s'enferment dans leurs cabines en
limitant leurs déplacements, un climat pesant s'abat sur leurs têtes
rendant pénible la fin de la traversée, de toutes évidences ils
doivent faire profil bas jusqu'à leur arrivée en Angleterre car des
histoires sur leur compte commence à circuler parmi les passagers
méfiants.
Welcome
to England
les
investigateurs arrivent enfin au port de Liverpool le 3 Février dans
un froid quasi-hivernal, la police locale les attends de pied ferme
sur le quai et les interrogent aussitôt à leur descente, seul
Crane échappe à l'interrogatoire en ne descendant pas en même
temps que Washburne et O'Connor, ce qui lui permet, à
la demande de Washburne, de passer illégalement les armes à
feu de ses compagnons. Cette tentative risquée passe tout de même
par chance à la douane et Crane n'est pas inquiété, et
c'est avec encore des sueurs froides lui collant dans le bas du dos
que le journaliste attends ses compagnons dans un café du port.
L'attente est longue car la douane n'est pas tendre avec Washburne
et O'Connor qui fouille chacune de leurs bagages de fond en
comble comme s'ils cherchaient quelque chose, il faut toute la
patience et le crédit de Washburne pour arrondir les angles
avec les fonctionnaires anglais trop regardants, malgré ça ils
perdent de précieuses heures et prennent de justesse un train pour
Londres en fin d'après-midi.
Le
voyage dure 5 heures et se déroule sans ennuis pour les
investigateurs qui se détendent un peu ou pour certains, continuent
d'étudier leurs précieux mais maudits ouvrages, ils entrent en gare
de Liverpool Station vers 22 heures et débarquent sur un quai
quasi vide.
Les
investigateurs cheminent vers la sortie avec les autres voyageurs,
dans le grand hall de gare des kiosques à journaux accueillent les
arrivants et affichent des nouvelles en tous genre mais l'une d'entre
elle sollicite tout particulièrement leur attention : «Nouveaux
meurtres égyptiens !»
Perplexes
et s'interrogeant si cette nouvelle ne serait qu'une coïncidence
avec ce qui les préoccupe, ils sont emportés par le flot tumultueux
des autres voyageurs qui convergent bruyamment vers la sortie ou les
attendent taxis, calèches et bus à impérial. Les investigateurs
choisissent de prendre un taxi et demandent au chauffeur l'adresse
d'un bon hôtel situé plutôt dans le centre-ville, après quelques
propositions du chauffeur enjoué, ils optent pour le Sheraton
Park Lane Hotel situé dans un quartier animé de Piccadily et
à deux pas d'un nombre incalculables de pubs pour le plus grand
plaisir de O'Connor.
Les
investigateurs, se réchauffent autour d'une pinte de bière et de
fish and chips, tout en décidant de leur programme du
lendemain, ils iront tout d'abord voir ce journaliste, Mickey
Mahoney, dont les locaux du Scoop se trouvent pas très
loin de leur hôtel, puis ils rendront visite à l'inspecteur James
Barrington et finiront par la Fondation Penhew pour
obtenir un rendez-vous avec cet Edward Gavigan. Après leur
copieux repas ils rejoignent leur hôtel pour une bonne nuit de
sommeil.
Le
4 Février 1925 – Bureaux du Scoop.
Les
bureaux du Scoop sont situés au 2ème étages d'un immeuble
miteux de Fleet Street dans la City, le cœur de la
presse londonienne. Après avoir gravit les marches branlantes de
l'immeuble, les investigateurs pénètrent dans les locaux du tabloïd
qui occupent une partie de l'étage, à l'accueil une secrétaire gouailleuse les dirige vers un couloir menant
à un bureau. Ils sont accueillis par un rouquin débraillé, portant
une belle moustache lustrée et mordillant un bout de cigare, de sa
voix rocailleuse aux accents irlandais il demande aux investigateurs
de s'asseoir et leur propose une tasse de bon whiskey avant
même de leur demander ce qu'ils veulent. Le bureau est un véritable
capharnaüm où même une chatte n'y retrouverait pas ses petits, les
investigateurs prennent place comme ils le peuvent en trouvant un
siège caché sous des tas de journaux ou papiers douteux, une fois
installés et munis d'une tasse de tord-boyaux, ils exposent la
raison de leur présence.
Mahoney
est au courant de la mort d’Élias, une dépêche de presse lui a
apprit la nouvelle il y a plusieurs jours et cela l'a attristé, il
se montre totalement coopératif en racontant ce qu'il sait aux
investigateurs. Élias est venu le voir en décembre 1924, se
rappelle t-il, en lui promettant une histoire sur un culte londonien
malfaisant, il insinuait que le culte pouvait avoir des relations
hauts placés, comme le Scoop est friand d'histoires étranges
et sanglantes voir avec des scandales sexuels, il lui a donné son
feu vert et lui a ouvert ses archives où Élias à passé
plusieurs journées. Mahoney se souvient que celui-ci semblait
intéressé par deux histoires dont l'une concerne «les meurtres
égyptiens», les investigateurs lui demande quelle était l'autre
histoire qui intéressait Élias, l'irlandais fronce alors les
sourcils et se lève subitement pour chercher dans son bureau
l'article concerné et finit par brandir, au bout d'une bonne
vingtaine de minutes de recherche dans un fatras de papiers entassés,
un vieux journal comportant un article en troisième page.
Puis,
à leur demande, sa secrétaire les conduire aux
archives – un placard poussiéreux où s'entasse des amoncellements
de cartons – où ils découvrent les divers articles concernant les
«meurtres égyptiens» qu'aurait consulté Élias.
Ces
articles sont anonymes remarque Crane, Mahoney indique
légèrement embarrassé devant la remarque de l'investigateur, que
lui ou un de ses collaborateurs ont très bien pu les réécrire à
partir de dépêches d'agence pour leur donner un peu plus de punch,
crache t-il cyniquement en mordillant son bout de cigare. Les
investigateurs lui demandent s'il connaît l'inspecteur Barrington,
le journaliste rétorque que c'est le flic chargé de l'affaire
«des meurtres égyptiens» depuis bientôt un an et que Élias
l'avait aussi interrogé, le prédécesseur de cet inspecteur sur
l'affaire, dont il a oublié le nom, à brusquement disparut sans
laisser de traces et depuis Barrington semble obsédé par
cette enquête et en faire une affaire personnelle.
Mahoney
n'a jamais eu, finalement, son histoire ni aucun détail sur les
soupçons qu'avaient à ce sujet Élias, il ne sait pas si
celui-ci a suivi une de ces pistes. La dernière fois qu'il l'a vu il
semblait désespéré, aux abois et reparti rapidement pour New-York
sans prévenir.
Avant
que les investigateurs ne repartent avec ces pistes en poche, Mahoney
leur dit qu'il serait éventuellement intéressé par leur histoire
et leur offre jusqu'à 15 £ pour un bon article, Crane semble
d'accord et prend bonne note de ce providentiel emploi, Mahoney
lui glisse sa carte dans sa poche et rajoute que si ils ont besoin de
quoi que ce soit il connaît du monde en ville, ce qui pourrait être
utile à des yankees comme eux.
Après
leur visite au Scoop, les investigateurs prennent un taxi
direction New Scotland Yard à la rencontre de l'inspecteur
James Barrington et lui poser à son tour des questions sur Élias
Jackson.
New
Scotland Yard
le
taxi dépose les investigateurs au 8-10
Broadway dans
Westminster
devant l'entrée
du
quartier général de la Metropolitan
Police Service
où deux bobbies
à l'air sévère gardent l'entrée. Ils pénètrent dans le hall et
demandent à rencontrer l'inspecteur Barrington
à l'accueil, quelques instants plus tard ils se retrouvent dans un
vaste couloir faisant face à des bureaux où dans l'un d'entre eux
ils aperçoivent la silhouette de l'inspecteur à travers la vitre
dépolie de la porte.
Ils
sont finalement reçus par l'inspecteur, un homme grand et guindé,
plutôt chic dans son costume sur mesure, mais au visage sévère et
fermé, il jette un rapide coup d’œil sur sa montre à gousset
quand les investigateurs entrent dans son bureau. L'endroit est comme
l'homme, ordonné et froid, quand l'inspecteur demande aux
investigateurs de s'asseoir, il n'y a que deux chaises devant son
bureau, obligeant Crane
à rester debout ce qui lui permet d'arpenter le bureau en regardant
les quelques photos et diplômes accrochés aux murs froids.
Washburne
se présente ainsi que ses compagnons et expose la raison de leur
présence, il lui parle alors de Jackson
Élias
et
de leur enquête au sujet de sa mort et des liens de cette affaire
avec un culte secret africain établi à New York, il explique que
leur enquête les a menés jusqu'à Londres en remontant les pistes
d’Élias
et que celles-ci les ont menés jusqu’à lui, de plus rajoute
Washburne,
il semblerait que lui-même, James
Barrington,
enquête sur des meurtres «en série» comme eux à New York et fait
allusion à peut être à une coïncidence. O'Connor
se
penche sur le bureau de l'inspecteur et lui
propose même d'appeler l'inspecteur Martin
Poole
à New-York pour vérifier leurs dires et se renseigner à Liverpool
auprès de la police au sujet d'une attaque qu'ils ont subis sur le
paquebot qui les conduisait en Angleterre.
À
la fin de leur exposé, l'inspecteur Barrington
soulève un sourcil troublé, joins ses mains devant sa bouche tout
en regardant chacun des investigateurs, il leur explique que dans le
cadre d'une enquête officielle il ne peut pas partager toutes ses
informations avec les investigateurs néanmoins il leur apprend qu'il
a effectivement rencontré Élias
Jackson
et qu'ils ont parlés des meurtres et que pour lui ils étaient
l’œuvre par la Fraternité
du Pharaon Noir,
un culte égyptien de la mort ; sceptique par les déclarations du
journaliste américain, il a interrogé par la suite Edward
Gavigan
un éminent spécialiste en égyptologie de la Fondation Penhew
à Londres, mais ce dernier affirme que ce culte n'existe plus depuis
longtemps et que le protocole des meurtres – victimes battues et
poignardée au cœur – ne lui correspond en rien, Barrington
en a déduit à la suite de cette entrevue que monsieur Élias
ne cherchait qu'à faire sensation. Quand on lui demande pourquoi ces
meurtres ont étés qualifiés «d'égyptiens», il explique qu'ils
ont
étés baptisés ainsi par la presse en référence aux origines
égyptiennes de 17 des victimes, auparavant explique t-il après
s'être levé et posté devant la fenêtre de son bureau, c'était
l'inspecteur Léon
Corkins – un
ami à lui avec qui il était à l'université –
qui
était en charge de l'enquête et que celui-ci a subitement disparut
sans laisser de trace, d'après l'inspecteur il est sûr que le
pauvre bougre a été assassiné et qu'il tient à élucider
l'affaire le plus rapidement possible. Les investigateurs insistent
pour qu'il leur communiquent plus d'informations afin de s'aider
mutuellement, l'inspecteur hésite en expliquant qu'il ne peux pas se
permettre d'impliquer des civils – et des étrangers par-dessus le
marché – dans l'enquête et que tout zèle ne saurait excuser
l'illégalité, cependant il leur parle du Club
de la Pyramide Bleue
dans l'East
End qui
fut une piste un temps, un lieu apprécié des noctambules égyptiens
et dont la majorité des victimes le fréquentaient, mais les
surveillances policières non rien donné. Pour conclure leur
entretien avec les investigateurs, l'inspecteur leur explique qu'une
des victimes aurait crié «Hotep»
avant de mourir d'après un témoin interrogé, il a demandé à
Edward
Gavigan
ce que cela pouvait bien signifier et celui-ci lui a dit qu'il
s'agissait d'un antique mot égyptien signifiant «repos» ou «paix».
La
Fondation Penhew
Ensuite,
après s’être arrêtés pour déguster un "Steak
& Kidney Pie" (un
pâté en croûte chaud, au bœuf et aux rognons, dans une sauce de
viande épaisse, avec pommes de terre et légumes, So
british!)
le tout arrosé d'une pinte de bière, les investigateurs se rendent
au sud de Londres dans Lambeth
en bordure de la Tamise où se trouve la Fondation Penhew,
juste en face de la gigantesque Maison
du Parlement.
Devant
eux se dresse un bâtiment sur un étage et de style victorien
entouré d'une grille en fer forgé, qui se distingue de ses voisins
par son élégance et sa recherche, de part et d'autres de l'entrée
se dressent deux massifs sphinx en bronze faisant office de gardiens
impassibles, un homme en livrée de chasseur leur ouvre la porte tout
en les saluant de son haute-forme. L'intérieur est d'une décoration
opulente avec de nombreux bibelots sur le thème de l’Égypte
antique, ils sont accueillis à leur entrée par un secrétaire
souriant dans un costume impeccable, les investigateurs demandent
s'ils peuvent êtres reçus par monsieur Edward
Gavigan
et l'homme leur demande de patienter pendant qu'il va prévenir le
conservateur. Les investigateurs remarquent qu'il y a de nombreuses
allers et venues dans le bâtiment, des étudiants ou des professeurs
en général venus se documenter, finalement le secrétaire revient
vers eux rapidement et les conduits à une salle d'attente en leur
disant que monsieur Gavigan
va les recevoir dans quelques instants.
Quelques
minutes plus tard ils se retrouvent dans le luxueux bureau lambrissé
de Edward
Gavigan,
qui les accueille sans aucune réserve tout en leur souriant
chaleureusement. Gavigan
est un homme grand, sophistiqué et tiré à quatre épingles,
portant un magnifique costume taillé sur mesure, pendant qu'il les
faits s'asseoir O'Connor
remarque du coin de l’œil un coffre fort dans un coin de la pièce
derrière le bureau, il est entrouvert et laisse entre-apercevoir
plusieurs liasses de billets de 5£.
À
la question des investigateurs Gavigan
confirme que M. Élias
est
bien venu lui parler et se montre affligé par la nouvelle de sa mort
même s'il ne l'a rencontré qu'une fois, celui-ci l'a questionné
au sujet de la participation de Sir Aubrey
Penhew
à l'expédition Carlyle
si ses souvenirs sont exacts, il semble réfléchir quelques secondes
puis explique ce qu'à l'époque il avait dit à Élias
sur ce qu'il sait sur l'expédition. Carlyle
avait obtenu des renseignements – par l'intermédiaire d'une
mystérieuse Africaine apparemment – sur une époque obscure de
l'histoire égyptienne ce qui intéressa beaucoup Sir Aubrey,
cela concernait un sorcier à une époque obscure de l’Égypte
antique qui avait régné sur la Vallée du Nil. Hélas, soupire
Gavigan,
toute l'histoire n'était qu'une escroquerie, une fois en Égypte, la
jeune femme a disparu avec les fonds de l'expédition, peut-être
3500 £ anglaises. Avec un air conspirateur, il rajoute qu'entre
hommes du monde, je crois pouvoir dire que si Carlyle
n'a pas regretté une seconde la perte d'argent, il s'est montré
très affecté par la trahison de sa maîtresse, ainsi craignant que
la chaleur et la déception égyptienne n'affectent gravement l'état
de santé de son ami, et le sien, c'est Hypathia
Masters qui
avait suggéré que le groupe passe le mois d'été sur les hauts
plateaux relativement tempérés du Kenya. Gavigan
se lève alors doucement de son bureau et se dirige d'un pas feutré
vers un petit présentoir en verre où trône des petites statuettes
égyptiennes et prend un air grave en les fixant, il soupire à
nouveau puis il reprend, là-bas ils se sont égarés en territoire
dangereux, une erreur qu'ils ont payée de leur vie. Gavigan
se retourne vers les investigateurs avec un sourire triste puis
continue, l'essentiel des archives de l'expédition a été perdu
aussi, Sir
Aubrey
les avait emporté avec lui pour travailler sans attendre, pendant
que ces souvenirs des fouilles étaient encore frais, c'est une
grande perte pour la fondation rajoute t-il, mais
le positif dans tous ça c'est que l'expédition a mis à jour malgré
tout divers artefacts intéressants, un bon nombre d'excavations
exploratoires ont étés réalisés en prévision d'une étude
systématique du site de Dashûr
par
Sir
Aubrey
et même certains sites secondaires ont aussi étés découverts
dans le désert, à l'ouest de la pyramide de Gizeh.
Le gouvernement égyptien a prêté plusieurs artefacts récoltés au
British
Museum
et autoriser l'achat de certaines pièces moins importantes pour la
Fondation Penhew,
un
juste retour des choses après cette horrible tragédie. La plupart
des découvertes sont toujours en cours de catalogage au musée
égyptien du Caire, mais Gavigan
propose volontiers aux investigateurs les moindres merveilles
ramenées en Angleterre si ceux-ci sont intéressés, les
investigateurs acceptent et Gavigan
leur propose de l'accompagner dans la salle d'exposition à l'étage.
La
salle d'exposition est une grande pièce lumineuse flanquée de
salles d'études et de salles de rangement de certaines collection,
au milieu trône un vaste hall ou sont exposés quelques pièces sous
l’œil vigilant de deux gardiens. Gavigan
conduit alors ses invités à travers une infinité de tessons
ciselés, de poteries brisées, statues de chats et dames en tenues
légère, il profite pour leur montrer les salles d'études et de
rangement où il leur montre les découvertes de feu Sir Aubrey,
il en profite pour les présenter à certains membres du personnel et
étudiants, avec certains d'entre eux ils prennent le thé pendant
qu'on leur parle d'égyptologie, la visite s'éternise jusqu'en fin
de journée et s'est avec une poignée de main chaleureuse que les
investigateurs quittent la Fondation et gavigan, la nuit est tombée
tandis qu'un taxi – appelé par les soins de la Fondation – les
attends en faisant ronronner son moteur.
À
suivre...