lundi 14 octobre 2013

Chapitre New-yorkais - Episode 1

 New York – Jour 1 : 15 janvier 1925, 20 h - Chelsea Hotel, température extérieure -13°c.
Il est plus de 20 heures lorsque Terence Washburne et Julius Homer arrivent au Chelsea Hotel, le froid est mordant et la neige tombe à gros flocons ne facilitant pas les déplacements dans la grosse pomme. Les deux amis sont arrivés quelques jours plus tôt d'Arkham à la suite d'un télégramme que Washburne a reçu d'une vieille connaissance qui refaisait surface, Jackson Élias, et qui lui demandait de le rejoindre à New York au plus vite. La teneur du télégramme et le coup de téléphone nerveux d’Élias qu'il reçut par la suite à l'hôtel où il était descendu, et l'enjoignait de venir à 20h au Chelsea Hotel ne le rassura pas. C'est donc en compagnie de son fidèle compagnon Homer qu'ils bravent le blizzard et entrent dans le majestueux hôtel.
Traversant le vaste hall vide de l'hôtel, ils s'approchent d'un pas décidé jusqu’à la réception où un homme corpulent, vêtu d'un imperméable à la couleur douteuse et portant un chapeau aux bords élimés, est en pleine conversation avec le gérant d'hôtel. Homer reconnaît aussitôt l'homme avec surprise, il s'agit de William O'Connor, cette vieille baderne d'irlandais, rencontré quelques mois plus tôt à Arkham où il officiait encore comme agent de police, le colosse en imperméable, l’œil torve par la boisson, reste interdit quelques secondes en trouvant Julius Homer devant lui. Après de brèves salutations, où Washburne et O'Connor échangent quelques souvenirs de leur passé dans la police de New York, les trois hommes se rendent compte en discutant qu'ils sont tous là pour la même personne, Jackson Élias, mais O'connor reste évasif sur ses motivations, ils semblerait que sa présence soit d'ordre professionnelle – O'Connor explique qu'il est à la retraite depuis quelques mois et travaille dans le privé maintenant – il préfère attendre dans le hall laissant Washburne et Homer se rendre à la chambre 410, l'ascenseur étant en panne ils sont obligés de gravir les quatre étages à pieds.

Chambre 410
Arrivés devant la massive porte en chêne, Washburne frappe contre le battant, quelques secondes se passe mais aucune réponse, seule les notes rythmées de «Somebody Stole My Gal» du Original Memphis Five provenant d'un vieux phonographe perçue par les deux hommes à travers la porte, Washburne frappe à nouveau de façon plus insistante mais toujours aucune réponse, Homer tend l'oreille et semble entendre du mouvement à l'intérieur de la chambre, il sent aussi un courant d'air froid sous la porte et par ce temps il est plutôt anormal de laisser une fenêtre ouverte, il en informe Washburne qui frappe de plus belle mais toujours rien, les deux hommes décident de redescendre à la réception demander l'aide du gérant. Une fois en bas ils convainquent celui-ci de les accompagner afin d'ouvrir la porte avec son passe-partout, O'Connor vautré dans un fauteuil du hall, se lève tant bien que mal en rebouchant maladroitement sa flasque de whisky et se joint au groupe qui grimpe déjà quatre à quatre les marches du grand escalier.

La porte, une fois ouverte, le gérant s'écarte et laisse entrer Washburne suivi de près par Homer et aussitôt rejoins par un O'Connor haletant, ils pénètrent dans le vestibule plongé dans les ténèbres, seule une source de lumière provenant de la pièce d'à côté éclaire d'un mince rayon lumineux leur prudente progression. La musique s'est arrêtée, seul le raclement du diamant sur le sillon du phonographe est perceptible, Washburne jette un œil par l’entrebâillement de la porte et perçoit une petite cuisine en désordre, il pousse la porte grinçante et avant d'avoir fait un pas de plus, un coup de feu éclate à l'autre bout de la pièce, une balle siffle à ses oreilles et fait éclater le bois de la porte, on lui tire dessus! Il recule aussitôt et dégaine son Colt .45, ses réflexes de policier lui reviennent instantanément, O'Connor l'imite à son tour en brandissant un lourd revolver .44 S&W, tandis que Homer se plaque contre le mur car il ne porte pas d'arme sur lui et aperçoit le gérant se carapater en criant qu'il va prévenir la police. Les deux détectives font des sommations d'usage mais sans grand succès car ils essuient à nouveau une volée de plomb, après quelques secondes d'hésitation, Washburne et O'Connor s'élancent dans la pièce en ouvrant le feu tout en se couvrant mutuellement mais ils ne trouvent aucun adversaire devant eux, même au-delà de la petite cuisine, personne, Homer en profite pour entrer à son tour. Tout en restant sur leurs gardes, ils scrutent la chambre mal éclairée par un abat-jour renversé au sol, ils aperçoivent, au milieu d'une chambre mise sans dessus-dessous, un corps attaché à une chaise apparemment en sale état, les pensées de Washburne ne font qu'un tour et craint le pire pour son ami.

Ennemi Mine
En entrant dans la chambre, par la fenêtre grande ouverte où le vent glacial s'engouffre sournoisement, les trois hommes entendent des grincements précipités dans l'escalier de secours, comme si quelqu'un le descendait rapidement. Washburne se précipite à la fenêtre arme au poing mais son élan est stoppé net par une silhouette massive qui se plante devant lui, de l'autre côté de la fenêtre, surpris, Washburne n'a le temps que d’apercevoir brièvement le masque grotesque qu'il porte sur la tête et qui lui fait penser sur l'instant à un masque à gaz, tandis qu'une monstrueuse lame recourbée plonge vers son abdomen. Par chance il est touché superficiellement mais la morsure est douloureuse, Washburne s'écarte et fait feu à bout portant mais manque lamentablement l'homme, dans le même instant O'Connor met en joue l'inconnu masqué mais est dans l'impossibilité de tirer, gêné par Washburne. Celui-ci réajuste son tir avant que son agresseur réagisse et tire une deuxième fois et touche mortellement le colosse masqué qui s’effondre dans l'escalier gelé.

Le chemin est libre, Washburne et O'Connor, malgré l'obscurité, remarquent d'autres silhouettes masquées dans la cage d'escalier et ayant presque atteint la cour intérieure en contre-bas. Rapidement Washburne s'élance à la poursuite des meurtriers sur les marches glissantes, O'Connor du haut des marches tente de tirer sur la première cible qu'il voit mettre le pied dans la cour enneigée mais sans succès, Homer emboîte alors le pas des deux détectives et tous trois se lancent dans la périlleuse descente de l'escalier de secours. Après quelques inoffensives glissades c'est sans trop d'encombres qu'ils parviennent à leur tour dans la cour tandis que les agresseurs fuient vers une ruelle sombre, Washburne met en joue le dernier fuyard encore en vue, fait feu et le touche, celui-ci s'affale mollement dans la poudreuse.

Premier arrivé auprès du corps gisant dans la neige, Washburne s'approche de cet autre homme portant cet hideux masque de cuir sombre d'où pend une sorte de trompe brune mais celui-ci se relève brusquement en brandissant son horrible lame courbe, un bref corps-à-corps s'engage alors entre les deux hommes faisant virevolter de la neige tout autour d'eux. Homer n'écoutant que son courage se lance à l'aide de son ami tandis qu'O'Connor s'engouffre dans la ruelle à la poursuite des autres fuyards. Washburne fait feu sur son adversaire, qui malgré sa blessure semble encore vaillant, mais l'homme est trop proche et il le rate, celui-ci en profite pour tenter d'asséner un coup meurtrier à Washburne avec sa lame, mais Homer intervient et désarme l'homme qui est surprit d'une douloureuse clé au bras, avant de se faire basculer violemment sur le sol la tête la première, suivit d'un sinistre craquement. De son côté O'Connor, qui a brûlé ses dernières réserves d'énergie, arrive essoufflé au bout de la ruelle et débouche sur Lennox Avenue où i la juste le temps de voir une voiture noire démarrer en trombe, emportant les agresseurs à son bord, ses tirs ne sont pas assez précis pour arrêter le véhicule, tout juste faire éclater un feu et faire un trou inoffensif dans la carrosserie, celui-ci disparaît dans la circulation et la nuit.

La ville qui ne dort jamais
O'Connor retourne dans l'arrière-cour de l'hôtel pour y retrouver Homer et Washburne en train de fouiller le cadavre encore chaud de leur agresseur – ils lui ont enlevé son horrible masque découvrant le visage d'un noir – dans ses poches crasseuses de sa vareuse élimée, Washburne en sort un portefeuille en cuir et une enveloppe chiffonnée. L'adrénaline des trois homme est en train de retomber, le froid se fait rappeler à son bon souvenir, ils décident alors de remonter pour tirer tout cela au clair avant l'arrivée inévitable de la police, Washburne est traversé par une angoisse en gravissant les marches métalliques qui le ramène dans la chambre de l'horreur, son ami Jackson Élias est sans aucun doute l'homme attaché sur la chaise et il craint soudainement le pire. C'est O'Connor qui est le premier devant le corps meurtri, celui-ci à la tête renversée en avant, son corps supplicié est ensanglanté, O'Connor relève la tête du malheureux précautionneusement pour l'identifier, le geste du détective à pour effet de redresser le buste de la victime, révélant une plaie béante au niveau du ventre et libérant sur le coup les viscères et les intestins jusqu’à présent prisonniers par le poids du corps, qui se répandent dans un flot de sang sur le plancher. A cette vision d'horreur, Washburne reconnaît Élias, son visage est couvert d'ecchymoses et de coupures – il semblerait que l'on se soit acharné sur son visage, mais O'Connor constate que les blessures sur son front semblent former une sorte de dessin étrange.


Le choc passé, les trois hommes se lancent dans la fouille de la chambre mais savent que leur temps est compté, ils découvrent très vite divers indices qui parsèment la scène de crime. Tout d'abord ils constatent que les hommes masqués sont entrés par effraction par la fenêtre guillotine grâce à l'escalier de secours, puis ils se sont, sans aucun doute, jetés sur leur victime par surprise, peut-être quand il était dans une des autres pièces, puis l'on attaché et torturé tandis que d'autres fouillaient la pièce. Dans les poches du cadavre de l'escalier de secours (qui lui-même est un noir) ils trouvent une autre lettre – sans enveloppe – chiffonnée, puis dans la chambre saccagée, ils décèlent sur la table de nuit près d'un cendrier où se trouve la pipe d’Élias, une boite d'allumettes de bar «Le Tigre Trébuchant» situé il semblerait à Shanghai, sur le lit sous les draps emmêlés ils trouvent un livre intitulé «Une histoire de la Guerre entre Science et Technologie dans la Chrétienté» à l'intérieur, utilisé comme marque-page, un prospectus ordinaire annonçant une conférence deux jours plus tôt et intitulée «Les Cultes des Ténèbres en Polynésie & dans le sud-ouest du Pacifique» présidé par le Professeur Anthony Cowles, puis enfin sous la commode à miroir de la chambre ils trouvent une photo floue, mal définie, elle montre un grand yacht dans un port étranger, en y regardant de plus près on discerne les premières lettres du nom du navire «DAM». Homer confirme après avoir examiné la photo qu'il s'agit du port de Shanghai. Leurs réflexions sont interrompus par l'irruption de deux policiers l'arme au poing, les trois investigateurs lèvent tranquillement leurs mains lorsque les deux policiers font leurs sommations.


Lieutenant Martin Poole
Quelques instants plus tard la pièce grouille de policiers en uniformes, O'Connor qui commence à perdre patience tente vainement de leur faire remarquer de ne pas saloper la scène de crime mais les agents ne semblent pas lui prêter attention. Puis ils sont sommairement interrogés, Homer à une attention particulière de la part des policiers et sont des plus insistants avec lui, ce qui laisse de marbre l'intéressé face aux allusions racistes des policiers réjouis mais le fait bouillonner intérieurement. Finalement un enquêteur se présente dans la chambre, il s'agit du lieutenant Martin Poole, Washburne retrouve des couleurs quand il voit l'homme et se détend un peu, il connaît ce policier à la démarche chaloupée et au regard propre du vieux flics qui en a vu, cet homme a été son mentor dans une autre vie quand il était encore jeune policier. Néanmoins aux vues des circonstances et la mort de son ami, Washburne décide de cacher ce qu'ils ont trouvés dans la chambre pour le moment et prend le risque de mentir à Poole. Le policier est décontenancé de trouver Washburne sur les lieux d'un crime et somme de lui expliquer ce qu'il s'est passé et de lui dire qui sont les deux types qui l'accompagnent, alors ils vident leur sac, raconte ce qu'il s'est passé en omettant bien sûr certains détails, comme les indices trouvés dans la chambre, durant l'entretien Homer reste silencieux et tente de se faire oublier.

Après avoir entendu leur version des faits et faisant confiance à son ancien poulain, le lieutenant Poole leur avoue qu'il ne s'agit pas du premier meurtre de ce genre mais le 9ème! Son enquête n'a pas beaucoup progressé en deux ans depuis le premier meurtre, il a écarté la piste des cultes vaudou et s'est plutôt orienté sur la piste des cultes de la mort africains, grâce aux lumières d'un certain docteur Mordecai Lemming un anthropologue qui a identifié la marque sur le front des victimes qu'il associe à des rites mortuaires d'Afrique de l'est. Le lieutenant Poole n'a obtenu aucune aide de la communauté africaine de New York, il y avait bien un témoin mais il n'eut pas de grande utilité, son instinct de vieux flic lui dit que ces crimes rituels visent des personnes qui en savent trop et servent à intimider une population déjà trop superstitieuse car aucune des victimes n'a de point commun, elles sont autant blanches que noires et de milieux sociaux différents, ça reste une grande énigme encore aujourd'hui, la presse en a même fait ses choux gras en surnommant le tueur à une époque le «Scariface», mais des événements récents ont permis de découvrir qu'il n'y avait pas un mais au moins deux tueurs, théorie confirmée par les événements de la soirée où sont impliqués nos trois témoins.

Alors que des photographes de la criminelle entrent pour prendre des photos de la scène de crime, le lieutenant Poole libère pour le moment les investigateurs, avant qu'ils ne partent il leur demande de rester discret, voyant leur détermination sur l'affaire, il les autorise à enquêter de leur côté mais sans oublier de le prévenir s'ils découvrent la moindre chose, cette méthode n'échappe pas à Washburne et O'Connor qui y voient une façon subtile du policier de s'assurer qu'ils ne quitteront pas la ville le temps que la lumière soit faite sur cette affaire.

À tête reposée
Ils quittent l'hôtel Chelsea et se retrouvent à l'extérieur à nouveau dans le froid cinglant, des badauds se pressent déjà contre le cordon installé par la police et les premiers journalistes montrent le bout de leur nez, ils décident alors de s'éloignent de cette cohue et rejoignent le trottoir d'en face pour récupérer leurs véhicules. Washburne, avant de monter dans sa voiture, informe Homer et O'Connor qu'il ne compte pas abandonner aussi facilement la partie surtout après ce qui est arrivé à son ami, il compte bien faire payer les coupables, les deux autres acquiescent. Après que tous le monde ce soit mis d'accord, Washburne évoque l'idée de regarder de plus près ce qu'ils ont découverts, O'Connor profite de l'occasion pour leur proposer de se rendre dans un club qu'il connaît bien sur la 56ème, un endroit où les oreilles indiscrètes ne traînent pas mais où le whisky coule à flot pour les habitués comme lui.

Bien au chaud dans la cave enfumée qui sert de club, au son des tintements des verres, du brouhaha ambiant et du jazz lancinant joué sur une scène étriquée, Washburne, Homer et O'Connor décortiquent les indices en savourant un verre de bourbon canadien.

Ils ont déjà en leur possession une boite d'allumette d'un bar de Shanghai, une photo montrant un yacht où l'on voit partiellement le nom sur la coque et un prospectus d'une conférence d'un certain professeur Cowles à New York s'étant déroulé deux jours plus tôt. Washburne sort de la poche de son manteau le portefeuille et ce qu'il semble être deux lettres, dans le portefeuille – dont il s'agit manifestement de celui d’Élias – ils trouvent, en plus de ses papiers et de quelques billets (dollars et livres), deux cartes de visite, l'une à l'impression recherchée où est inscrit «Fondation Penhew, Londres, Directeur Edward Gavigan», la deuxième est une carte de visite professionnelle de qualité ordinaire où est inscrit «Emmerson Import» qui se trouve ici même à New York, au dos est inscrit à la main un nom «Silas N'Kwane». Une des lettres, adressée à Roger Carlyle est signée par une certain Faraz Najir du Caire, l'autre sans enveloppe a été écrite le 7 novembre 1924 par une certaine Miriam Atwright, bibliothécaire à l'université de Harvard, elle est adressée à Élias aux bons soins de son éditeur «Prospero Press», Washburne connaît le directeur de la maison d'édition pour l'avoir rencontré une ou deux fois à des conférences d'Élias auquel il a assisté, c'est un certain Jonah Kensington.



Au cours de la discussion et l'alcool aidant, O'Connor se livre a des confidences et révèle le nom de son employeur, il s'agit d'un des responsables du département d'ethnologie de l'université Columbia à New York, le Professeur Lester M. Porter, qui lui a demandé de retrouver Jackson Élias avec qui l'université était en compte, O'Connor invite d'ailleurs Washburne et Homer à le retrouver le lendemain matin à l'université pour leur présenter l'homme, Homer et Washburne compte aussi aller rendre visite dans la matinée à ce docteur Mordecai Lemming, l'anthropologue que consulte le lieutenant Poole, puis de faire un tour à la maison d'édition Prospero Press. Après avoir fini un dernier verre Washburne et Homer quittent le Speakeasy et laisse O'Connor en tête à tête avec la bouteille de bourbon, la nuit est déjà des plus avancée.



New York – Jour 2, Université Columbia, 16 janvier 1925, 9 h du matin. Température extérieure -5°c.
La nuit fut courte pour chacun, O'Connor à fait la fermeture du club, Homer comme à son habitude n'a dormi que ses quatre heures habituelles et Washburne a eut son compte de cauchemars pour la nuit auxquels se sont ajoutés ceux atroces de la mise à mort abjecte de son ami Élias. C'est donc les traits tirés, engoncés dans leur épais manteaux d'hiver que Washburne et Homer rejoignent un O'Connor frigorifié battant le pavé sur le perron de l'entrée sculptural du bâtiment de la faculté d'ethnologie.

Après avoir traversé un labyrinthe de couloirs et de salles de cours, ils sont finalement introduits auprès du Professeur Lester Porter qui les attends dans son bureau surchauffé, après de brèves salutations et une invitation à boire une boisson chaude, les investigateurs entrent dans le vif du sujet et assaillent de question l'ethnologue, celui-ci, après avoir refusé de révéler le montant des fonds allouées à l'expédition d’Élias, leur explique qu'il a demandé à O'Connor, une de ses anciennes connaissance lorsqu'il était policier à Manhattan, de retrouver le journaliste car celui-ci ne donnait plus de nouvelles depuis son retour à New York et le professeur était inquiet car l'université avait, par le biais du professeur, financée une partie du dernier voyage à l'étranger d’Élias il y a un an. Cela concernait des recherches sur l'expédition Carlyle, celle qui défrayât la chronique il y a cinq ans, le professeur allait bientôt devoir rendre des comptes à ses pairs, alors le temps pressait et il confia donc cette mission à un professionnel discret comme O'Connor qui devait aussi s'assurer d'un bon retour sur investissement pour l'université, le journaliste devait écrire un livre sur le sujet à son retour et Porter attendait le fruit de son travail. Mais il semblerait que la mort tragique d’Élias ne remette en question les attentes de Porter qui va devoir s'expliquer avec ses collègues de l'université. Sur ces entrefaites, le professeur agacé reconduit les investigateurs en prétextant une journée des plus chargée pour lui, néanmoins il tient si possible a être tenu informé par O'Connor sur la suite des événements.

Docteur Mordecai Lemming
Sans se faire prier les trois vaillants investigateurs quittent l'imposante université et se réfugient dans leurs véhicules sans que cela ne puisse les réchauffer pour autant, il font alors route jusqu'au cabinet du docteur Mordecai Lemming, situé sur Madison non loin de la 5ème Avenue, il ne leur faut qu'une poignée de minute pour s'y rendre depuis l'université grâce aux larges avenues bien dégagée de neige.

Ils entrent dans une résidence cossue à l'intérieur décorée de lambris et de moulures luxueux faits avec allure et rappelant un style victorien non dénué de charme. Après avoir gravit un grand escalier de marbre sculpté, ils arrivent devant le cabinet de l'anthropologue où le nom du docteur est inscrit sur une petite plaque polie en cuivre, un jeune secrétaire à l'air juvénile leur ouvre et les fait entrer puis les conduits dans une salle d'attente confortable pour les faire patienter quelques instants, puis ils sont reçus par le docteur Lemming, un homme d'un certain âge en complet trois pièces et nœud papillon, il dégage une odeur capiteuse d'eau de Cologne et de cigare, le docteur lisse sa petite moustache et demande que veulent donc ces deux messieurs et leur domestique. Passé le léger froid de la méprise volontaire ou non du docteur, Washburne lui signifie qu'ils viennent de la part du lieutenant Poole et qu'ils sont là au sujet des meurtres rituels, le vieil anthropologue dans un laïus pédant et ennuyeux confirme alors les dires du lieutenant Poole sans apporter plus de précisions, il n'accorde aucune allégation autour des superstitions locales qui entourent cette affaire, il ajoute que les armes blanches trouvées sur les lieux du crime correspondent à des armes traditionnelles kényane, plus exactement aux tribus Masaï et appelé «Pranga», il leur montre une de ces armes, Homer en profite pour l'inspecter de plus près mais ne décèle aucune décoration ou symbole quelconque, une simple arme ordinaire.
Washburne mentionne au cours de l'entretien le nom du professeur Anthony Cowles, le docteur Lemming lui indique qu'il a été à cette conférence, qu'il trouva fort intéressante d'ailleurs, et qu'il connaît bien le professeur Cowles de réputation et que s'ils désirent le rencontrer ils peuvent encore le trouver à l'hôtel Astor tout près d'ici où il est descendu pour quelques jours. Ne pouvant rien tirer de plus du vieux docteur, les investigateurs prennent congé et sont raccompagnés par le jeune secrétaire jusqu'à l'entrée.
Dans l'entrée de la résidence, Homer annonce à ses compagnons qu'il va aller enquêter du côté d'Emmerson Import sur les quais de l'East Side pendant que les deux détectives iront chez l'éditeur d’Élias. Ils se séparent donc après avoir ajusté leurs manteaux et leurs écharpes pour affronter de nouveau l'air glacial.

Prospero Press
Ainsi, Washburne et O'connor retournent dans le district de Chelsea et remontent Lexington Avenue où se trouve les éditions Prospero Press. Une secrétaire à la mine déconfite les introduits auprès du directeur Jonah Kensington, ils trouvent un homme abattu et déprimé, cachant sa tristesse derrière des petites lunettes rondes et une barbe rehaussée de favoris grisonnants. Kensington se présente comme étant un très bon ami d’Élias, il reconnaît vaguement Washburne quand il se présente comme tel sans doute sous le coup de l'émotion, pourtant il se montre coopératif quand les deux détectives lui posent des questions. Il confirme qu’Élias travaillait sur la rédaction d'un livre basé sur l'expédition Carlyle, ce qui a nécessité ce si long voyage à l'étranger, de plus il est d'accord avec la théorie policière selon laquelle Élias aurait été tué par un culte secret, il trouve cela très vraisemblable, Élias a toujours été attiré par les cultes meurtriers et Kensington suppose qu'un vieil ennemi est parvenu à bout de l'intrépide journaliste. Au sujet de l'expédition Carlyle Kensington ajoute qu’Élias était persuadé que tous ses membres n'étaient pas morts, Washburne et O'connor demandent alors des précisions, Kensington lève un sourcil et sort d'un tiroir fermé à clé la correspondance d’Élias. 
Il leur donne une lettre qu’Élias lui adressé puis il leur tend une liasse de notes séparés par des trombones, il affirme que ce sont les dernières nouvelles qu'il a reçu de lui jusqu'au mois dernier – le 16 décembre 1924 – quand il a télégraphié de Londres. Son télégramme laissait transparaître une excitation intense, il était allé en Chine, en Afrique et à Londres où il avait découvert de nombreux renseignements. 
Kensington ajoute qu’Élias affirmait avoir assisté à l'inimaginable et mentionnait une machination monstrueuse qui allait bouleverser la face de monde, rien que ça! Un sourire sans conviction passe sur son visage puis il reprend, il lui restait à trouver les dernières pièces du puzzle mais n'en dit pas plus terminant son télégramme en annonçant qu'il serait bientôt à New York. Kensington s'affaisse dans son fauteuil en cuir l'air maussade, Washburne et O'Connor se regardent incrédules avant de se plonger dans les nombreuses notes d’Élias tout en restant le plus près possible du du vieux poêle à bois pour se réchauffer..



Emmerson Import
Pendant ce temps Homer remonte les quais de chargement situés à l'ouest de la rivière Hudson sur la 47e Rue, la compagnie est domiciliée dans un bâtiment long et étroit, un entrepôt où s'empilent des marchandises et où tout un tas de dockers noirs s'affairent sous les ordres de contremaîtres vociférants. Homer s'approche sans crainte vers l'un d'eux, sous le regard ahuri de certains ouvriers lorgnant ce nègre dans son costume de milord comme s'il venait d'une autre planète.

Le contremaître lève un sourcil inquisiteur lorsque Homer s'arrête à sa hauteur, laconiquement le gros homme lui dit qu'il n'a pas de travail pour lui et qu'il peut débarrasser le plancher puis feint de l'ignorer, Homer sourit et précise qu'il s'agit là d'une méprisable erreur car il vient pour tout autre chose, le contremaître le lorgne d'un regard agacé tout en se massant le goitre lui tenant de cou, mais avant qu'il ne dise quoi que ce soit Homer lui tend la carte de visite de la compagnie avec le mystérieux nom écrit au dos, leurs regards se croisent à nouveau et le gros contremaître sent que ce nègre planté devant lui dans son beau costume n'est pas là pour plaisanter. Du bout des lèvres d'abord l'homme – qui se présente en tant que Arthur Emmerson – affirme que ce Silas N'Kwane est un client d'un importateur de Mombasa dont les marchandises transitent par sa compagnie ici à New York, que ce nègre à une adresse ici à Harlem, Emmerson est prêt à la lui donner si il veut bien le suivre dans son bureau à l'étage du bâtiment. En montant jusqu'au bureau Emmerson dit qu'il se souvient d'un homme qui lui a posé les même questions, Homer lui décrit Jackson Élias et Emmerson acquiesce à cette description, il se rappelle que celui-ci lui avait dit qu'il faisait le tour des importateurs pour trouver ceux réalisant des échanges avec Mombasa. Une fois dans son bureau, Emmerson sort un épais registre d'une armoire métallique, il feuillette quelques pages puis tend le lourd livre ouvert à Homer, celui-ci relève de nombreux échanges d'objets d'arts africains entre un importateur de Mombasa effectivement, un certain Ahja Singh, avec ce Silas N'Kwane qui possède un commerce dans Harlem nommé «la boutique Ju-Ju», Homer note l'adresse et demande à Emmerson s'il connaît cet endroit, le gros homme sourit, s'allume un clope et répond que non, il rajoute pourtant qu'il s'agit sans doute d'un «bazar à babioles nègres et je ne sais quelles autres saloperies vaudou», voyant que sa plaisanterie n'est pas du goût d'Homer, il ravale son sourire et jette son clope par terre nerveusement, puis lui dit que ce Élias a pu se rendre là bas. Sur ces bonnes paroles Homer rend le registre à Emmerson et prend congé en lui lançant un regard de travers, lorsqu'il se trouve à nouveau sur le quai balayé par le vent glacé, il ne relève pas les regards méfiants des dockers. Homer regagne l'hôtel pour y attendre les autres.



Sur les traces D’Élias Jackson
De leur côté, Washburne et O'Connor potassent les notes d’Élias qu'ils leur semblent clairs mais dépourvues de conclusions, de lien logique ou d'orientation bien définie, par contre l'écriture est ferme et nette. Ils remarquent qu’Élias reste très allusif sur son séjour au Kenya, une autre piste à explorer? Kensington leur fait une nouvelle confidence, Élias lui a confié d'autres notes quelques jours après son arrivée à New York, mais elles sont tellement ahurissantes et morcelées que Kensington hésite avant de leur montrer, il pense que leur nature particulière peut faire douter de la santé mentale du journaliste comme son intégrité d'auteur et Prospero Press a une réputation à défendre. Néanmoins, Kensington sent qu'il peut leur faire confiance et leur tend des feuilles pliées et brochées de façon à former un petit volume in-quarto d'une quarantaine de pages. Ce qu'y lit Washburne et O'Connor semble des plus édifiants, il est clair selon eux qu’Élias n'avait plus toute sa tête et que son enquête l'avait profondément marqué et altéré son jugement d'enquêteur.

Kensington les regarde d'un air triste et soupire, il explique qu'il a toujours pensé que les ouvrages d’Élias l'exposeraient à bien trop de dangers et qu'il n'avait pas la moindre chance de pouvoir convaincre son ami de moins s'impliquer émotionnellement dans ses recherches. Il autorise les deux détectives à garder ces notes, sous condition de leur discrétion concernant ces dernières notes, si cela peut les aider dans leur propre enquête, il leur offre même son aide en finançant certains de leurs frais jusqu'à hauteur de 1000$, en mémoire de feu son ami Jackson Élias. Avant leur départ il les invites aux obsèques du journaliste qui auront lieu le surlendemain, puis il les raccompagnent jusqu’à l'entrée de son bureau en leur souhaitant bonne chance.

Good Morning NY !!
Après cette matinée bien remplie et riche en émotions, Washburne et O'Connor se dirigent vers l'hôtel Manhattan Towers sur Broadway où l'attend probablement Homer, Washburne promet au détective irlandais un bon déjeuner bien mérité. C'est donc autour d'un copieux déjeuner que les trois investigateurs se retrouvent et échangent leurs découvertes de la matinée, beaucoup de pistes, beaucoup de questions et d'interrogations qu'ils devront mettre au clair rapidement, tout cela semble cacher quelque chose de beaucoup plus grand, quelque chose aussi de beaucoup plus dangereux... Ils vont devoir êtres plus prudent car beaucoup de travail de fond les attendent encore à New York et encore quelques personnes à interroger.
Durant le repas O'Connor s'absente pour passer un coup de téléphone, il revient quelques instants après en disant à ses deux compagnons qu'il doit s'absenter quelques heures et qu'ils vont devoir se passer de lui le reste de la journée, puis il avale d'un trait son café qu'il avait allongé d'une rasade de whisky puis prend congé.

Dés le début de l'après midi, Washburne et Homer comptent ne pas en rester là et décident de se remettre rapidement au travail en commençant par s'intéresser de plus près à la lettre envoyée par cette miss Miriam Atwright, bibliothécaire à l'université de Harvard à Cambridge dans le Massachusetts. Washburne, en compagnie d'Homer regagne sa chambre, se saisit du téléphone et demande à être mis en communication avec l'université de Harvard, quelques instants après il est en conversation avec miss Atwright la bibliothécaire qui répond volontiers à ses questions, tandis qu'Homer écoute avec l'écouteur. Elle leur apprend qu’Élias souhaitait consulter «Les Sectes d'Afrique», un ouvrage qui a «mystérieusement» disparu, entendant par là qu'un beau jour il s'est tout simplement volatilisé. Elle ajoute qu'elle s'en rappelle car il régnait une odeur innommable dans la bibliothèque le jour où ce livre sur les sectes a disparu. Miss Atwright est très peinée d'apprendre la mort de Jackson Élias car elle éprouvait beaucoup d'admiration pour cette homme, elle signifie à Washburne que si elle peut être d'une quelconque utilité qu'il n'hésite pas à le lui demander, il la remercie et raccroche. Avec ces nouvelles informations, Washburne et Homer quittent leur hôtel pour aller rendre une petite visite au professeur Cowles avant que celui-ci ne quitte New York. Ils se mettent en route pour le majestueux hôtel Astor sur Time Square tandis que de minces flocons commencent à tomber sur la chaussée.

Hôtel Astor
Quand ils arrivent enfin à l'hôtel Astor, après avoir affronté un embouteillage monstre en descendant Broadway Avenue et échappé à une glissade qui aurait pu se terminer en tragique carambolage, ils s'engouffrent dans le hall luxueux de l'hôtel envahit par de nombreux clients qui vont et viennent entre les garçons d'étage affairés, ils se retrouvent au milieu d'une gigantesque fourmilière grouillante de vie. Ils se taillent un chemin tant bien que mal jusqu'à la réception où un maître d'hôtel impeccable et souriant les accueille, ils lui demandent la chambre du professeur Anthony Cowles, alors l'homme au sourire figé leur indique l'étage et le numéro de la chambre, leur conseillant l'ascenseur pour s'y rendre rapidement.

Enfin arrivé à l'étage, ils retrouvent le calme feutré propre à ce genre d'établissement habituellement, où la sérénité du riche client est roi. Pourtant, au bout du large couloir capitonné de façon ostentatoire, une voix de stentor parvient aux oreilles des deux investigateurs, cela semble provenir du bout du couloir où des grooms à l'air effrayé s'agitent en empilant des énormes malles sur un solide portant chromé. Washburne et Homer passent la tête par la porte à double battant grande ouverte et sont témoins d'une grande agitation dans le grand salon de la suite, au milieu de celle-ci s'agite un homme corpulent portant une large barbe rousse, en bras de chemise et braillant en roulant les «r» sur les pauvres garçons d'étage occupés à remplir des montagnes de valises. C'est alors qu'une charmante jeune femme, à l'allure et la silhouette gracieuse et portant de jolies boucles rousses, s'approchent d'eux et leur demande en quoi pourrait-elle les aider. Quand Washburne annonce leur intention de rencontrer le professeur Cowles, elle se présente comme étant sa fille, Ewa Cowles, et excuse déjà l'attitude quelque peu tonitruante de son père en désignant le gros homme barbu à la voix caverneuse.

Professeur Anthony Cowles
Quelques instants plus tard, ils se retrouvent au calme dans un petit salon en compagnie du professeur Cowles et de sa fille qui leur sert le thé. Le professeur Cowles a l'air d'une personne amicale et ouverte avec des dehors excentriques et débonnaire, il explique aux deux investigateurs, tout en essuyant ses lunettes embuées avec un mouchoir en tissu, qu'il est professeur d'anthropologie originaire de Sydney enseignant à l'université Miskatonic pour un semestre, il est spécialisé dans l'étude des îles du Pacifique et affectionne particulièrement les récits d’événements étranges. Quand Washburne et Homer lui demande s'il connaît Jackson Élias, il répond que non, du moins il ne l'a jamais rencontré, il a bien lu plusieurs de ses livres, surtout ceux qui s'intéressent à la Polynésie, à la Nouvelle-Zélande et au continent australien, ses domaines de prédilection.

Le professeur se laisse alors emporter par son enthousiasme et se lance sur le sujet des Kooris – les aborigènes – en signifiant qu'ils entretiennent un rapport particulier à la terre et au temps, relayé au travers d’une tradition orale remontant à plusieurs dizaines de milliers d’années, mais avant d'aller plus loin il est interrompu par Homer qui revient sur leur affaire et lui parle de l'assassinat d’Élias dans les détails et qu'il semblerait qu'un culte de la mort africain y serait impliqué, exécutant leur victime avec une lame traditionnelle, un Pranga, puis il lui dessine maladroitement le symbole inconnu de la chambre 410 sur une feuille de papiers. Le professeur l'écoute attentivement, se saisit de la feuille et semble réfléchir, mais il semblerait que cela ne lui dise rien, bien que durant sa conférence, souligne t-il, il a parlé de meurtres rituels autour d'un culte aborigène appelé le Culte de la Chauve-souris, existant autrefois parmi les tribus aborigènes d'Australie dont le dieu s'appelait le Père de Toutes les Chauves-Souris. Il semblerait qu'à ce moment là de la discussion, le professeur Cowles reparte dans de longues explications de sa conférence dont il paraît assez fier, par politesse Washburne et Homer le laisse continuer en sirotant leur thé.

Ce culte, poursuit-il, était connu dans tout le continent, les victimes sacrificielles à ce dieu étaient battues par des adorateurs armés de gourdins hérissés de dents acérées de chauve-souris, celle-ci étaient enduites d'une substance tirée d'un de ces chiroptère enragé, le poison agissait rapidement et les victimes devenaient folles avant de mourir. Il continue sa démonstration en mimant avec de grands gestes son histoire. Les chefs de ce cultes auraient eu la capacité de se transformer en serpents à ailes de chauve-souris, ce qui leur permettait d'enlever leurs victimes. Leur dieu, Le Père des chauve-souris – ou Chauve-souris des Sables –, toujours selon la légende, aurait affronté une autre entité, le Serpent Arc-en-Ciel, déification aborigène de l'eau et protecteur de la vie précise t-il. Cette entité aurait réussit à piéger la Chauve-Souris des Sables et son clan dans des profondeurs aqueuses, voilà pour la petite histoire se ravise t-il en s'affalant dans un fauteuil. Aujourd'hui ce culte s'est éteint reprend-il après quelques secondes de silence, du moins jusqu'à maintenant car ce qu'il y a de plus étrange au sujet de cette histoire c'est que récemment une expédition, dirigé par un certain Arthur MacWhirr de Port Hedland, s'est rendue dans le désert australien et a découvert de mystérieux blocs de pierre énormes, visiblement sculptés à des fins architecturales, et lors de l'expédition ayant amené à ces découvertes, plusieurs attaques furent portées par des aborigènes contre l'équipe, certaines des victimes étaient mortes de centaines de petites piqûres, ce qui évoque justement l'antique Culte de la Chauve-Souris.

Sur ces dernières paroles Cowles fait un large sourire s'attendant presque à être applaudi par son assistance, mais ne voyant aucune réaction il toussote et conclu, pour revenir à l'affaire des investigateurs, il avance l'hypothèse qu’Élias voulait peut être assister à la conférence pour compléter son enquête? De par son expérience il pense que certaines histoires comme celle qu'il vient de leur raconter ont des similarités troublantes, par exemple il a découvert des correspondances troublantes de ces contes avec certaines légendes polynésiennes concernant une entité marine Kutullu, nom traduit par «Celui-qui-va-venir», qu'il a relevé dans un livre répugnant intitulé «Les Écrits de Ponape», trouvé à l'université de Sydney il y a quelques années.

Le professeur Cowles aimerait sincèrement les aider dans leur enquête mais le temps lui est compté car il doit repartir pour Arkham avant ce soir mais il leur assure qu'il va se renseigner dés son arrivé à l'université Miskatonic sur la signification de l'étrange symbole qu'il lui ont montré et qu'il les contactes dés qu'il n sait plus. Washburne laisse sa carte où il inscrit le nom de l'hôtel où il sont descendus, Ewa les raccompagnent jusqu’à l'entrée et espère que son père ne leur a pas fait perdre trop de temps, Washburne et Homer saluent la jeune femme poliment et prennent congé.



Harlem Shake
Sur le chemin du retour, dans l'habitacle confortable de l'automobile, Washburne et Homer ruminent toutes les informations qu'ils ont amassés jusqu'ici depuis le début de cette histoire mais rien n'y fait, leurs cerveaux en ébullition ne leur apportent même pas un peu de chaleur. Washburne rompt le silence et avance qu'il va être temps d'éclaircir certains points de leur enquête en commençant, dés que possible, par aller faire un tour aux archives de l'université Columbia ou au journal Report-Pillar, ils pourront ainsi mettre la main sur les articles concernant des détails sur l'expédition Carlyle et par la même occasion ceux concernant cette série de meurtres signés «Scariface».

Alors qu'ils font route vers l'hôtel, Homer soumet l'idée à Washburne d'aller faire un tour à l'adresse trouvé dans le registre d'Emmerson, la boutique Ju-Ju de Silas N'Kawne, le détective acquiesce et bifurque de sa route actuelle. Les beaux immeubles aux façades éblouissantes et les rues larges et entretenues laissent la place, au fur et à mesure de leur progression, à des édifices de plus en plus décrépis, noircis et abîmés en s'enfonçant dans le cœur de Harlem, les rues deviennent plus cahoteuses et Washburne doit slalomer dans la neige pour éviter des pauvres hères tirants de maigres carrioles à bras ou un cheval famélique. La voiture rutilante de Washburne ne passe pas inaperçu aux yeux des autochtones, il s'agit d'un des rares véhicule à moteur qui traverse le district, avec un peu de chance se dit Washburne, ils n'y verront seulement un blanc des beaux quartiers venu s’encanailler dans Harlem et ne prêteront pas plus attention. Washburne tourne dans une ruelle vide et se gare à l'abri des regards à deux blocs de l'adresse de la boutique, il est bien sûr prudent qu'il reste dans la voiture pendant que Homer ira fouiner de son côté.
Homer sort du véhicule et se dirige discrètement vers la rue, il relève le col de son manteau et fourre profondément ses mains dans ses poches en essayant de ne pas attirer les regards, Washburne le regarde s'éloigner puis le perd des yeux quand il tourne dans la rue. À ce moment précis le détective se sent vraiment seul.

Homer remonte les deux blocs à une allure rapide tout en luttant contre le vent glacial qui lui semble plus cinglant que tout à l'heure, pas un chat dans les rues, il passe devant de petites échoppes crasseuses, des bars et des restaurants miteux où s'agglutinent de rares clients venus se réchauffer. Il arrive finalement au 1 Ransom Court, une ruelle sale qui aboutit dans une petite arrière-cour, il remarque que seul la boutique donne sur cette courette, l'unique autre porte correspond à une autre échoppe qui semble abandonnée, la petite cour est encadrée de clapiers déprimants aux multiples fenêtres délabrées. Homer s'engouffre dans l'arrière-cour et se dirige d'un pas décidé vers la boutique, enjambant les congères de neige boueuses, toujours aucune âme qui vive autour de lui, seuls des corbeaux hirsutes croassent en se dandinant sur un fil de linge gelé au dessus de sa tête. Il s'arrête quelques secondes devant la vitrine, de lourds rideaux noirs occultent l'intérieur de la boutique, néanmoins il aperçoit quelques œuvres d'art africain exposés sur la devanture, sans sourciller Homer s'approche de la porte vitrée et entre sur un tintement de clochette.

L'endroit est sale et poussiéreux, encombré d'un bric-à-brac tribal africain : des masques grimaçants, tambours, armes, animaux empaillés, sculptures sur bois, ivoires etc... l'intérieur oppresse très vite Homer, il est presque surpris par la présence de trois autres clients qui l'observent de façon étrange, parmi eux une jeune femme, une noire aux traits fins et aux yeux clairs qui le dévisage avec insistance. Derrière un comptoir en bois se trouve un vieil homme noir en costume élimé, rachitique, courbé et grisonnant, il porte des lunettes dont les verres épais agrandissent ses yeux de façon grotesque. Il sourit largement quand Homer se plante devant lui, aussitôt le vieil homme, qui se présente comme étant Silas N'Kawne, s'enquière de ce que recherche Homer dans son humble boutique. L'investigateur regarde autour de lui comme un client à la recherche d'une quelconque objet de valeur pour lui et dit au vieux commerçant qu'il est à la recherche d'une œuvre d'art qu'il aimerait offrir à sa pauvre mère, le vieux Silas lui fait la remarque qu'il ne semble pas être du coin en lorgnant ses beaux habits, mais Homer trouve les mots justes pour endormir la curiosité du vieil homme et celui-ci finit par lui montrer quelques pièces de sa collection sans plus prêter attention à Homer. La jeune femme semble continuer à l'épier au travers des étagères de la boutique, quand Homer remarque son manège et que leurs regards se croisent, l'air gênée elle remet son châle en laine sur sa tête et sort aussitôt de la boutique. L'attention d'Homer est recentrée sur le vieux Silas souriant qui lui montre une petite statue biscornue en bois, il sent qu'il se trouve dans une situation où il n'apprendra rien de plus. Il repart de la boutique, non sans avoir acheté sans réellement comprendre pourquoi, une affreuse statuette de fertilité Kikuyu à 50$.



il accélère son pas dans le froid intenses et rejoins dans la voiture un Washburne complètement frigorifié. Le détective au nez rougi par le froid s'enquière aussitôt des nouvelles que lui rapporte Homer, mais celui-ci n'a pas grand chose à lui dire à part de lui décrire l'intérieur de la boutique, il lui pose sur les genoux la statuette emballée de papier kraft en lui jetant un regard sceptique. Ils décident alors de surveiller la boutique jusqu'à sa fermeture puis de suivre Silas N'Kwane pour voir ce qu'il va faire. Vers 17 heures il ferme sa boutique et se rend dans une ou deux échoppes, puis dans un bar d'habitués du quartier appelé «La Grosse Mabel» où il passe deux bonnes heures à jouer aux dominos tout en discutant, plus tard dans la soirée, alors qu'il fait nuit noire, ils le suivent le plus discrètement possible jusqu'à chez lui, il entre dans un clapier crasseux pas très engageant qui ressemble à un vrai coupe-gorge.

Washburne et Homer décide d'abandonner alors la filature, gelés qu'ils sont par la température qui a fait une chute prodigieuse, ils retournent à leur hôtel en se disant que la nuit porte conseil.





2 commentaires:

  1. Well done, chief ! Un poil trop détaillé, je pense, mais chouette compte-rendu. Merci à toi, ô grand maître des arcanes, pour maintenir ainsi nos sens éveillés d'une partie à l'autre.

    RépondreSupprimer
  2. Oui, j'ai tout relu aussi à nouveau, c'est un gros boulot, peut être un poil trop développé ainsi que le dit Gérald, mais plaisant à lire. :)

    RépondreSupprimer